L’Edito du lundi de PEPS: Contre le validisme, contre les discriminations et les oppressions, pour l’égalité des droits

Cela fait presque 16 ans que la Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été adoptée. Pourtant rien n’a vraiment changé du point de vue d’une discrimination décisive dans la société : le validisme. Plus de douze millions de personnes handicapées ( c’est à dire  souffrant d’une incapacité ou d’une limitation d’activité d’après l’Enquête HID de l’INSEE de 2001.) vivent en France. Elles font quotidiennement l’expérience du validisme, cette manière de penser qui les dévalorise systématiquement. Selon l’OMS 15 % d’une population sont des personnes en situation de handicap. Personnes qui subissent des discriminations dénoncées par l’ONU, la grande majorité des handicaps restant invisibles pour le reste de la population. Le validisme, également appelé « capacitisme », se caractérise par une idée générale : les « valides » auraient la conviction d’être dans une meilleure situation que des personnes en situation de handicap et donc presque dans une position de supériorité. Et cela se décline partout. De l’espace urbain, conçu pour les corps valides, aux attitudes, compatissantes voire infantilisantes. Le suprématisme des valides doit être combattu notamment dans sa version paternaliste et misérabiliste du style « oh les pauvres, il faut les aider ».

La société capitaliste est une société validiste. Le validisme est une oppression qui touche les personnes en situation de handicap (physique ou psychique, visible ou invisible). Le capitalisme encourage et soutient des approches validistes, dans la mesure où il valide les individus en fonction des capacités qui les rendent productifs ou exploitables dans la sphère du salariat. Les personnes qui ne correspondent pas à ces normes sont proprement invalidées, et ainsi exclues, marginalisées ou minorisées.

Contrairement à l’imaginaire collectif, notamment à gauche, les personnes en situation de handicap ne sont pas une population passive et sans expérience de lutte. Le Comité de lutte des Handicapés est formé en 1972. Il s’oppose aux quêtes annuelles organisées sur la voie publique par les principales associations de personnes handicapées dans son journal « Handicapés méchants », fondé en 1974. Le mouvement de défense des handicapés émane du Centre des Paralysés Etudiants, lui-même issu de la mouvance de l’UNEF.  Ces deux mouvements soutiendront la lutte des travailleurs handicapés du CAT de Besançon pour revendiquer un salaire égal au SMIC. Aujourd’hui d’autres mouvements existent comme le CLHEE, les Dévalideuses, CLE-Autistes, la CHA et l’association Handi-social, animée par notre camarade Odile Maurin qui a été élue au Conseil Municipal de Toulouse sur la liste d’Archipel Citoyen.

Les personnes en situation de handicap demandent à être entendues et consultées par toutes les instances : leur slogan : « Rien pour nous sans nous », et elles se battent pour le droit à la vie autonome. Elles désirent rester maîtresses de leur vie, et expliquent que la dépendance physique n’empêche pas la vie autonome tant que c’est la personne qui décide de sa vie, comment elle doit être accompagnée, par qui, et que les aides humaines et techniques accomplissent par délégation certains gestes ou actes à sa place mais sous sa conduite. La société capitaliste permet à quelques figures du monde du handicap de briller, servant de « leçons de vie, pour mieux excuser l’abandon de tous les autres dont on organise la dépendance et l’absence d’autonomie dans des établissements spécialisés ou abandonnés à domicile.

 Trois questions essentielles touchent les personnes en situation de handicap :La question de l’accessibilité, avec la défense de la conception universelle – il s’agit de partir des besoins des personnes les plus empêchées pour construire l’espace public, le bâti et l’organisation de la société, et de cesser de construire pour un individu normé jeune et en bonne santé. Le validisme est cristallisé dans les infrastructures urbaines, qui ne sont, le plus souvent, adaptées qu’à un individu valide type (un individu qui n’est pas en fauteuil, ou aveugle ou présentant une déficience intellectuelle et bien d’autres situation, par exemple). Revoir totalement l’accès et le droit à la ville du point de vue des personnes à mobilité réduite (personnes âgées, handicapées, femmes enceintes et famille avec de jeunes enfants, des poussettes, blessés temporaires, …) est décisif.

Le 2e point essentiel, c’est la nécessité de rendre effectif le droit à compensation des situations de handicap, que ce soit avec des aides techniques (fauteuil roulant, canne, déambulateur, prothèse auditive…), des aménagements du logement et du véhicule, mais aussi avec des aides humaines. Il s’agit de permettre aux personnes en situation de handicap de cesser d’être des objets de soins pour devenir des sujets de droit qui, grâce à l’accessibilité et à la compensation pourront mener leur vie à égalité avec les valides. Cela rejoint la question de la prise en charge du vieillissement et de la dépendance, et de la nécessité qu’il y a de cesser d’obliger les personnes âgées qui deviennent dépendantes d’aller finir leurs jours dans des établissements maltraitants qui profitent à des actionnaires. On a vu l’hécatombe du Covid 19 dans les EHPAD ; Il y a nécessité par l’accessibilité de permettre aux personnes vieillissantes de demeurer chez elle, sous réserve de mettre en place des services d’aide domicile de qualité, au lieu des services maltraitants pour les personnels et pour les usagers que nous avons aujourd’hui, faute de financement suffisant, et à cause du clientélisme qu’entretiennent les départements.

La troisième question, c’est l’exigence d’un revenu de base garanti pour toutes et tous. Cette revendication est celle d’un revenu d’existence décent, à hauteur du SMIC brut, fiscalisé, sans tenir compte des ressources du conjoint, cumulable avec des revenus du travail partiel, ainsi qu’avec la prise en charge intégrale des frais de compensation des handicaps et de tous les surcouts liés au handicap. Les personnes en situation de handicap seront plus touchées par la précarité et la dépendance, dans la mesure où elles ont plus difficilement accès à la sphère du travail. Dans un système qui fait de la valeur-travail un principe d’intégration et de valorisation, elles sont déconsidérées, tant symboliquement que socialement.

La lutte contre le validisme, cette norme sociale qui fait de l’individu valide l’idéal à atteindre est pour PEPS une valeur fondamentale. Elle s’inscrit dans le continuum de la lutte contre les discriminations. Le validisme doit être combattu au même titre que le sexisme, le racisme, les discriminations envers les LGBTQ, et toutes les autres formes de discriminations et d’oppressions.  

Odile Maurin 16 ans après cette loi, passe en procès à Toulouse le 12 février 2021 pour avoir participé, en tant qu’handicapée, à la manifestation en soutien aux personnels de la santé. Sa simple mise en procès montre comment on traite celles et ceux qui se battent au quotidien contre le validisme.

PEPS appelle à venir au rassemblement de soutien à Odile devant le tribunal de Toulouse et à demander le retrait de toutes les poursuites la concernant.

PEPS, le 8 février 2021

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